samedi 31 mai 2008
Réunion du 31 mai à l'école Bolivar B (19e)
Il est important de souligner qu'il s'agit de la 5ème réunion d'information. Beaucoup de parents solidaires de notre action n'étaient donc pas présents ce matin : bref, nous somme nombreux !!!!
Lors de cette réunion, la date du 16 juin pour la grève des parents a été confirmée :
La proposition qui a été faite, est que les parents grévistes et leurs enfants occupent un lieu public. Il a été question de la mairie. Dans la mesure où des élus ont été invités à la réunion du 3 juin, le choix du lieu pourra être discuté à cette occasion.
Le principe de cette grève est d'affirmer publiquement la très grande inquiétude des parents quant à l'avenir de l'école. Son but est, entre autres, d'alerter les médias sur le fait que de très nombreux parents sont solidaires des craintes des instituteurs.
La réunion du 3 Juin, organisée à l'école B, pour l'ensemble de l'arrondissement, est essentielle: elle permettra que d'autres écoles sur l'arrondissement se joignent à nous le 16 juin.
Il faut relayer au maximum l'appel à la réunion du 3 juin !
Ceux d'entre nous qui en auraient l'occasion la diffuse au maximum : affichage sur les écoles, les piscines, et partout où l'on peut et transmission par e-mail.
Par ailleurs, notre autre objectif doit être de se coordonner avec toutes les actions qui ont lieu en ce moment dans les autres arrondissements: dans le 18 et le 20ème de nombreuses écoles sont déjà occupées. Certaines réunions publiques ont rassemblé 500 personnes environ ( dans le 18e).
La multiplicité de ces réunions et de ces actions est essentielle dans un premier temps.
Un grand rassemblement pour l'est parisien est en train de s'organiser pour le mercredi 11 juin.
mercredi 28 mai 2008
COMPRENDRE LES PROGRAMMES 2008
Ces nouveaux programmes, décidés par le Ministre de l’Education, ont été rédigés par des conseillers du Ministre (dont nous ne connaissons pas les noms), sans suivre les chemins habituels de production des nouveaux programmes (Comité national des programmes, groupes de spécialistes, Inspection Générale, enseignants...).
Les programmes de 2002, amendés par le socle commun de connaissances (2005) n’ont fait l’objet d’aucun bilan véritable : si l’école connaît des difficultés, pourquoi les imputer aux programmes ? Pourquoi ne pas émettre l’hypothèse qu’il faudrait plus d’enseignants pour aider les élèves en difficulté ?
Ce choix de « réforme » du ministère est « facile », « idéologique » et veut faire croire à l’opinion publique qu’en changeant ce que les élèves apprennent à l’école, la lutte contre l’échec scolaire en sera favorisée. Ils ont un goût de « c’était mieux avant », cherchant à faire jouer la fibre d’un passé nostalgique (on l’est toujours un peu face à sa propre enfance) : mais qui préfère puiser de l’eau à la fontaine, plutôt que de se servir d’un robinet chez soi ?
Parents et enseignants du groupe scolaire 119 Bolivar-Chaumont Lepage se sont réunis à plusieurs occasions depuis la parution des « nouveaux programmes ». Nous les avons lus, analysés, décortiqués.
Nous vous présentons ici un point de vue collectif qui nous conduit à créer les bases d’une mobilisation pour refuser la mise en oeuvre de ces « nouveaux programmes » destructeurs des avancées de ces trente dernières années.
1-POURQUOI CES NOUVEAUX PROGRAMMES ?
a-Pour le ministère, l’école primaire ne fonctionnerait plus comme avant ?
Elle échouerait à former les élèves. C’est globalement faux.
Quel que soit votre âge, vous avez tous fait l’expérience, dans votre scolarité passée, de l’existence de « bons » et de « mauvais » élèves. La notion de « cancre », l’image du « bonnet d’âne » ou les coups de règles sur les doigts sont des images d’Epinal révélatrices. Il n’y a jamais eu d’âge d’or où l’école réussissait pour tous. En 40 ans, l’école primaire a contribué au mouvement qui a permis à 60% d’une classe d’âge d’accéder au bac (les 3 voies confondues : Générale, Technologique, Professionnelle) et plus de 70% au niveau de la Terminale (à peine 10% en 1970). Aujourd’hui 42 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme, alors qu’ils
étaient 170 000 en 1970.
Pour autant, nous ne disons pas que tout va bien à l’école !
Oui, il faut réfléchir à la question de l’orthographe et de la syntaxe, par exemple. Nous y reviendrons. Oui, il y a 15% d’élèves qui restent encore en échec sur les fondamentaux (et même si c’est moins que par le passé) : c’est encore insupportable.
Oui, il est nécessaire d’apporter des réponses à ces élèves qui sont, dès la petite enfance, pour une grande part, exclus des habitudes et des savoirs culturels que l’école véhicule.
Nous pensons que ces élèves devraient faire l’objet au quotidien d’aide personnalisée au sein des classes, non sous forme d’une demi heure ou 40 minutes par jour en plus de leur temps d’école, mais avec des enseignants supplémentaires qui leur permettent de retrouver les raisonnements, les réflexions, les méthodes qui font le succès de la majorité des élèves, et des enseignants spécialisés (RASED). Ceux-ci aident les élèves les plus en difficulté, mais leur nombre est insuffisant au regard des besoins.
b-Des programmes aussi lourds en 24h est-ce bien raisonnable ?
L’une des nouveautés des réformes actuelles, c’est la suppression du samedi matin. Tous les élèves jusqu’à présent avaient 26h de cours par semaine. A la rentrée, ils auront tous 24h, sauf quelques élèves en difficulté qui bénéficieront de deux heures supplémentaires d’aide de leur enseignant, par semaine.
Ces 24h se répartiront de la manière suivante :
Cycle 2 (CP-CE1): 10h de français + 5h de mathématiques + 1h1/2 de langue vivante + 3h d’EPS ; il restera donc 3h1/2 par semaine pour enseigner la découverte du monde (base du temps historique, base de l’espace géographique, sciences et technologie), l’informatique, la musique, les arts plastiques (augmenté de l’histoire de l’art), l’instruction civique et toutes les éducations particulières qui participent de l’éducation du futur citoyen (sécurité routière, premiers secours, développement durable, santé et nutrition...) qui doivent se répartir sur l’année.
Il est clair qu’avec un tel horaire et de tels programmes, c’est la dimension culturelle de l’école qui en pâtira. Les élèves de milieu favorisé qui ont la chance d’avoir des parents disponibles pour leur transmettre s’en sortiront toujours, mais les autres, si l’école ne peut leur fournir ces connaissances où les acquerront –ils ?
C’est la caractéristique d’une visée élitiste de l’école.
Cycle 3 (CE2-CM1-CM2) : 8h de français + 5h de maths + 1h1/2 de langue vivante + 3h d’EPS = 17h30. Il reste donc 5h30 par semaine pour l’enseignement de disciplines constituées que sont l’histoire, la géographie, les sciences en plus de l’éducation civique, de l’informatique (avec l’obtention d’une certification) comme pour la sécurité routière, les premiers secours, le développement durable, l’éducation alimentaire et la santé (ces « éducations à » ne se déclinent pas sur toute une année scolaire bien sûr), les arts plastiques et la musique.
Ces horaires sont au minimum divisés par deux. Mêmes remarques que pour le cycle 2.
Compte tenu de la difficulté à faire tenir tout le programme en 24h, le Ministre vient de renoncer à ajouter une 4ème heure d’Education Physique et Sportive à l’école.
En maintenant des programmes lourds (mais peut-on faire autrement quand les connaissances augmentent si rapidement dans nos sociétés et quand ce qui se passe sur la planète entière est à notre disposition quotidiennement ?) et en réduisant le temps d’apprentissage, ne favorise-t-on pas déjà les plus favorisés ?
Rappelons aux nostalgiques du passé que jusqu’en 1968, les élèves du primaire bénéficiaient de 30h d’école par semaine.
Six heures en moins depuis 40 ans : n’y a –t il pas là un élément d’explication de certaines difficultés de l’école ?
Par ailleurs, toutes les études des chronobiologistes ont démontré qu’une coupure de deux jours consécutifs dans la semaine cassait le rythme de travail des élèves notamment les plus fragiles et rendait difficile le jour de reprise (le lundi). Si pour certains parents, cette coupure du week-end paraît à priori satisfaisante (ce que l’on peut comprendre), il n’en est pas de même pour les apprentissages des enfants. Alors qui vise-t-on dans cette affaire ? L’école pour les parents ou pour les enfants ?
Enfin, le rythme des apprentissages sur 4 jours est plus soutenu que sur 5 jours par semaine. Ceux qui s’en sortiront le mieux sont ceux qui n’auront pas à faire face à des difficultés. Encore un risque de plus d’école pour l’élite et qui organise l’échec des plus faibles.
On nous dit que dans les autres pays européens, avec moins de temps passé à l’école, les élèves réussissent mieux ?
RIEN ne permet de l’affirmer.
Les élèves passent la journée entière à l’école en Belgique, en France, aux Pays Bas, en Angleterre, en Suède, en Irlande, au Luxembourg, mais avec des horaires différents. En Allemagne, en Autriche, au Danemark : il n’y passe qu’une matinée de 5h en général.
D’autres pays comme l’Italie et la Grèce ont des rythmes scolaires plus fluctuants avec des apprentissages parfois le matin, parfois l’après midi. Le nombre de jours d’école dans l’année varie également, ainsi que le nombre de jours de vacances. En Autriche et en Allemagne, dont les résultats sont sur certains points moins bons qu’en France, les écoliers vont en moyenne 214 et 208 jours par an, les danois, les italiens et les hollandais : 200 jours par an, les anglais et les finlandais 190 jours, les espagnols et les français 180 jours, les suédois 178 jours etc. On ne voit pas comment on pourrait déduire de ces données, une efficacité particulière des systèmes scolaires.
Par ailleurs, les élèves finlandais obtiennent les meilleurs résultats de l’OCDE, mais avec les caractéristiques d’une langue « plus simple » : le finnois s’écrit avec des sons du type bateau = bato, ce qui pose moins de problèmes d’apprentissage que notre langue où l’on peut écrire sceau, sot, saut, seau avec le même son et des significations différentes. De plus leurs pratiques pédagogiques ne misent pas sur le par coeur prioritairement !!!
c-Qu’en est-il de l’argument d’un échec français aux évaluations internationales ?
Les statistiques ont parfois l’art de faire mentir par les chiffres. En la matière, c’est le cas. Deux grands types d’épreuves internationales attestent d’une baisse de performance (en fait légère) des élèves français, tout en les situant dans la moyenne internationale (pas de quoi faire du catastrophisme):
-PIRLS en 2006 atteste d’une baisse de la lecture de textes littéraires d’élèves de 10-11 ans de niveau CM1 (les précédentes évaluations en 1992 testaient des élèves de 9-10 ans et de 14-15 ans. La comparaison est donc mal aisée pour indiquer une baisse puisque le niveau n’est pas le même) : si nos élèves savent bien retrouver des informations explicites dans un texte, ils éprouvent beaucoup de mal encore à construire des hypothèses interprétatives des textes, à émettre un jugement sur les personnages, l’intrigue, à faire le lien avec d’autres oeuvres littéraires. Les programmes 2002 visaient à améliorer ces compétences. Or en privilégiant l’apprentissage des mécanismes de la langue, c’est le temps consacré à travailler la compréhension en lecture qui va poser problème : faiblesse pourtant pointée chez nos élèves.
-Quant aux évaluations PISA, celles incriminées sont de 2000 et 2003 (difficile d’en rendre responsable les programmes de 2002 !!!), d’autant plus qu’il s’agissait d’élèves de 15 ans donc en troisième, au moment de la passation des épreuves. Elles situent les résultats des français en 2003 dans la moyenne internationale au côté de l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la Norvège et les USA... En maths et en sciences, les résultats français ont un peu fléchi.
-Globalement, les résultats de l’école française continuent de se situer dans la moyenne des pays de l’OCDE (comme les 2/3 des pays). Ce qui est préoccupant par contre, ce n’est pas une baisse générale des performances, mais une diminution sensible et préoccupante des résultats des élèves les plus faibles.
Ce que l’on peut conclure des résultats des élèves français, en lecture, comme en maths ou en sciences, c’est qu’ils se comportent comme des récepteurs et non des producteurs de sens et dès lors se trouvent en difficulté de compréhension, de manque de prise d’initiatives et de stratégies pour aborder un problème qui ne leur est pas familier.
Les programmes 2008 en projet vont très précisément en sens inverse, ils vont renforcer les attitudes qui sont pourtant pointées comme à l’origine des difficultés.
Nous devons faire attention à une pratique systématisée des évaluations.
Un récent rapport anglais tire la sonnette d’alarme sur les conséquences d’évaluations à tous les niveaux qui encouragent un entraînement, réduisant l’acquisition des connaissances à celles ciblées par les évaluations.
d-Lutter contre l’échec : l’orientation du ministère va aggraver la situation et recréer une école élitiste. Mais n’est ce pas le but caché ?
Derrière un discours qui dit vouloir combattre l’échec scolaire, tout est mis en place pour accroître les écarts entre élèves.
Ce qui nous dérange tous, c’est de renvoyer la prise en charge des élèves en difficulté au « hors temps scolaire » et de rester muet sur l’importance du dispositif RASED. Or pendant toute une journée, ces élèves s’enferment dans leurs incompréhensions, comprennent autre chose que ce qu’on attend d’eux... et par miracle, le soir ou le midi en une demi heure, tout se débloque ? Il faut n’avoir jamais vu des élèves peiner dans leurs études pour y croire. Certains parents qui tentent d’aider leurs enfants en difficulté expliquent parfois qu’ils passent plus d’une heure avec eux, sans succès parfois ! Oui l’école devrait permettre à tous d’acquérir connaissances, compétences et savoir faire. C’est le souci premier des maîtres. Encore faudrait-il suffisamment d’enseignants pour être efficace.
Ce qui nous inquiète, c’est que l’école publique court à la catastrophe si ces orientations s’appliquent et dans quelques années on verra apparaître un système à l’américaine, avec le renvoi au privé de tout ce qui relève de la culture générale (payer à des associations privées les connaissances en Histoire, en géographie, en sciences...) ou le développement des écoles privées qui afficheront un programme complet et sélectionneront leurs élèves. L’école publique sera ouverte à ceux qui ne peuvent pas dépenser pour la scolarité de leur gamin.
C’est au moins cohérent avec la volonté de réduire les services publics, de faire payer de plus en plus les malades pour leur santé. Nous reprenons la métaphore d’une professeur d’Université, Catherine Tauveron : « Que dirait-on d’un Ministre de la Santé, qui, visant la diminution de la mortalité, imposerait aux médecins, un retour à la saignée et au bain de siège ? ».
2-UNE VISION MECANISTE DES APPRENTISSAGES
Contrairement à ce qui est écrit dans le préambule de ces programmes, leur fil directeur repose sur l’idée que « les connaissances et les capacités s’acquièrent par l’entraînement ». Nous savons bien que l’appropriation des connaissances, les processus de conceptualisation, d’abstraction, de compréhensions nécessitent d’autres stratégies pédagogiques que le seul entraînement.
a-Un déficit de vocabulaire, oui mais comment y remédier
Le vocabulaire dans les nouveaux programmes est un point fondamental, repris tout au long de la scolarité, de la section de Petits au CM2. Nous ne pouvons qu’être d’accord sur l’importance de cette partie du domaine « s’approprier le langage ». Toutefois, un enseignant raisonne en termes de contenus mais aussi en s’inquiétant des principes d’acquisition des concepts et des notions. Par exemple, nous savons que pour acquérir un mot nouveau, à long terme, en en comprenant le sens et la portée, il faut l’avoir vu, utilisé plus de 60 fois de façon active et consciente. La simple répétition du mot ne fera travailler que la mémoire à court terme et ne permettra pas aux élèves d’accéder efficacement à la compréhension. Les progressions, dans les nouveaux programmes pour la maternelle, demandent que les élèves en section de Petits apprennent 10 mots nouveaux par semaine, soit à la fin de l’année 320 mots, en MS 20, soit 640 mots etc. Le problème, n’est pas seulement pour les maîtres d’enseigner mais aussi que les élèves apprennent. Quand auront-ils le temps, chacun individuellement, de s’exercer à l’utilisation « avec justesse » du nouveau vocabulaire ? De reprendre l’ancien pour l’ancrer ? Ne ferons-nous plus que du vocabulaire désincarné dès la maternelle? Se retrouvant à l’étranger, on se souvient du peu d’efficacité des listes de vocabulaire, pourtant apprises par coeur, pour se faire comprendre !
b-La lecture en grande section de maternelle
D’après les nouveaux programmes, il apparaît que la grande section deviendrait la première année de l’apprentissage de la lecture selon une méthode purement syllabique. Un grande partie du temps serait consacrée à l’apprentissage de mécanismes de décodage (connaissance de certains sons, mises en concordance avec des consonnes, etc.)
La nécessité pour les apprentis lecteurs de maîtriser le système d’encodage de la langue écrite n’est pas à remettre en question. Néanmoins, des études sur la lecture qui faisaient encore autorité jusqu’à des temps très récents, ainsi que notre propre expérience, ont montré que, pour devenir lecteur, la maîtrise de ce type de mécanismes est d’autant plus efficace que l’enfant a compris tout ce qu’implique l’acte de lire. Il est essentiel qu’il prenne conscience de tout ce que peut signifier pour lui le fait d’accéder de façon autonome à la langue écrite. Si savoir lire consistait simplement à maîtriser le code, il ne devrait pas y avoir de différence significative entre un bon élève de 8 ou 9 ans et un lecteur adulte.
Nous voyons bien qu’être lecteur, c'est-à-dire savoir décoder mais surtout comprendre et pouvoir faire un usage autonome et réfléchi de ce que l’on lit, implique des compétences très diversifiées.
Par exemple :
-avoir compris les différentes fonctions de la langue écrite ( transmettre et mémoriser des informations, expliquer, développer et mettre en ordre des raisonnements, jouer avec les mots et construire des significations nouvelles, aborder, conserver et transmettre tous les sujets et thèmes plus importants pour l’humanité)
-connaître les systèmes d’organisation formelle d’un texte (les différents types d’écritures, les codes de mise en page, de présentation, la ponctuation, etc.) ; être familiarisé avec le livre.
-Différencier les types d’écrit et être capable d’anticiper sur leur contenu possible.
-Avoir eu l’occasion d’entretenir de façon prolongée et en de fréquentes occasions un lien étroit avec des textes de nature différente.
Ce type de compétences donne sens à l’acte de lire. Et si elles restent à développer tout au long de la scolarité, et même bien au-delà, il nous semble qu’elles doivent nécessairement être abordées dès l’entrée du jeune enfant dans l’écrit, simultanément et en relation constante avec l’apprentissage du code syllabique.
Cette tâche de découverte et de mise en relation de toutes les compétences qui font un vrai lecteur est ce qui nous occupe essentiellement en grande section de maternelle, et se poursuivra en CP et CE1, dans le domaine de la lecture. Cette tâche nous semblait cohérente et nous craignons qu’un apprentissage selon les seules ressources de la méthode syllabique n’engendre des générations de « décodeurs » peu armés pour la maîtrise des significations et donc peu armés pour la critique.
c-Apprendre à écrire des textes et l’apprentissage des règles du français
Les programmes de 2002 consacraient « les projets d’écriture intervenants dans les différents domaines » (Français, Histoire, Géographie, Sciences etc.) comme des moments d’apprentissage de la maîtrise de la langue. C’est en écrivant que l’on comprend à quoi servent les règles. Le projet ministériel pour de nouveaux programmes sépare le moment où l’élève apprend les règles du français et le moment où il écrit un texte. Sur lequel de ces deux moments l’accent est-il mis ? Où vont les préférences du ministre et des inspirateurs de son projet ? La réponse est claire (mais est-ce une surprise ?) : elle est à l’opposée de celle proposée en 2002.
Au CP et au CE1, produire un texte est réduit à un exercice d’écriture. L’élève doit apprendre à rédiger un texte court (5 à 10 lignes en fin de CE1). Au CE2, au CM1 et au CM2, la « Rédaction » est détachée de l’étude de la langue française. Et il s’agit d’ « apprendre à rédiger » en « respectant des consignes de composition et de rédaction. » A aucun moment, on ne détaille les situations permettant cet apprentissage. Vraies situations de communication ? Ou reproduction de recettes d’écriture ? La question mériterait d’être posée.
Mais le projet du ministre ne s’attarde pas à ce genre de détails. Pour lui, l’essentiel est ailleurs. Le retour aux « fondamentaux ». Savoir écrire c’est écrire sans faute d’orthographe. Comment l’élève va t’il atteindre ce but louable ?
L’automatisation des règles du français, la capacité qu’a l’élève à utiliser spontanément ces règles lors de la rédaction d’un écrit doit être notre priorité. Comment développer cette capacité ? Les programmes de 2002 s’appuyaient sur une production d’écrits riches où l’élève se confrontait, dans tous les domaines de l’école, à la complexité de la langue française. Que nous propose le ministre aujourd’hui ?
La réponse est claire : il suffit d’apprendre les règles d’orthographe, de grammaire, de conjugaison et de vocabulaire par coeur, en s’entraînant régulièrement. C’est séduisant et c’est le cheval de bataille des partisans du « c’était mieux avant » et du « tout fout le camp ma bonne-dame » qui font campagne bruyamment dans les médias contre l’école en général et les programmes de 2002 en particulier. C’est aussi, malheureusement, une négation inquiétante de la complexité de l’apprentissage du français. Quel professionnel sérieux de l’éducation peut encore croire que c’est en empilant les règles les unes sur les autres que l’élève va maîtriser l’orthographe ? Interroger les élèves sur leurs erreurs, ils vous réciteront la règle spontanément… et pourtant ils ne l’appliquent pas. Il faut du temps pour « automatiser » les règles du français.
Nous savons que ce n’est pas en décomposant les savoirs en petites unités « simple » que l’on mène les élèves vers la réussite. Il est inquiétant que cette démarche allant du simple au complexe soit une ligne directrice forte du projet de programmes ministériels. C’est une régression sans précédent qui laissera sur le bord du chemin les élèves, qui pour des raisons diverses ont des difficultés (comme au « bon vieux temps ») ! Nous nous inquiétons aussi pour les élèves qui s’épanouissent dans une école qui stimule leur réflexion et leur curiosité, n’oublions pas qu’ils sont quand même 85%.
d-En mathématiques : apprendre et comprendre les techniques opératoires.
Levons toute ambiguïté : l’apprentissage par coeur des tables d’addition et de multiplication, de stratégies de calcul réfléchi (exemple pour ajouter 9 faire 10-1) qui aide tout individu à évaluer rapidement sa note dans une grande surface, le calcul mental sont indispensables... et les programmes de 2008 comme ceux de 2002 ont raison d’insister sur les procédures à construire en calcul mental. Là-dessus pas de changement.
Ce qui pose problème :
-C’est qu’aucune procédure de « calcul raisonné » (écrit et mental) n’est envisagée dans le projet de nouveaux programmes. Seul l’aspect calcul « automatisé » est abordé.
Cela signifie en mathématiques que l’on privilégie l’acquisition des automatismes, sans pour autant les coupler au raisonnement, capacité qui se révélera centrale dans le domaine scientifique.
-C’est de contraindre à poser systématiquement trop tôt (en CP et en CE1) les quatre opérations avant que les élèves en aient compris le sens. Or il y a risque de confusion, chez les jeunes enfants entre les procédures à mettre en oeuvre dans le calcul posé et celles du calcul mental.
L’enseignement des notions de grandeurs (longueur, masse, durée, aire, volume…) est essentiellement abordé dans le cadre de la mesure et des conversions, avec un apprentissage prématuré des formules. Nous savons que cette approche est source d’erreurs et confusions car elle se fait au détriment de la compréhension de ces notions.
Tout se passe comme si, pour les concepteurs des programmes, l’apprentissage précoce de techniques, répétées un peu comme un perroquet pendant plusieurs années, serait bénéfique sur le long terme. En ne sachant pas résoudre une règle de trois, le ministre a lui-même démontré que lorsque qu’on ne possède pas le raisonnement, on ne peut retrouver des formules apprises pourtant par coeur.
La résolution de problèmes,qui actuellement s’appuie sur des moments d’explicitation et de synthèse des diverses stratégies possibles, sera de fait relativisée au profit d’entraînement à la résolution des problèmes types « liés à la vie courante » (le retour des problèmes de robinets, de trains qui se croisent … comme par le passé ? ).
En mathématiques, comme dans d’autres domaines : raisonner, démontrer et ensuite s’entraîner pour automatiser les procédures – démarche préconisée par les programmes de 2002 – restent ce qui permet aux élèves d’avancer. Cela ne nous empêche pas de nous interroger sur les difficultés de certains élèves à bien maîtriser les bases de la position de numération (certains ont du mal à comprendre les différences entre le chiffre des dizaines, des centaines…).
e-Les sentences morales et l’apprentissage de la citoyenneté
C’est peut-être la partie des programmes la plus caricaturale. Ce que l’on nous propose au cycle 2 comme au cycle 3 c’est d’expliquer, sous forme de maximes les règles morales au centre desquelles se trouvent la politesse et la civilité. Cet enseignement « frontal » remplace le débat citoyen hebdomadaire instauré par les programmes 2002. Là encore le modèle idéalisé du passé prédomine. Là encore avec des remèdes simplistes, on va au devant de fortes désillusions : le dressage comportemental et l’apprentissage par coeur de maximes prennent le pas sur l’éducation à la citoyenneté. C’est peut-être un exutoire à l’angoisse, aux difficultés d’un avenir incertain. Ce n’est pas digne d’une pensée humaniste.
3-L’APPRENTISSAGE DE LA LANGUE NE TOUCHE PLUS TOUTES LES DISCIPLINES. LE FAIT LITTERAIRE EST MINORE !
a-Ce qu’avaient souligné les programmes de 2002, et en faisait leur originalité, c’est d’avoir attiré l’attention des enseignants sur la « transversalité » de la langue et sa spécificité selon les disciplines.
On ne lit pas et on n’écrit pas de la même manière un énoncé de mathématiques, un résumé d’Histoire ou de Géographie, un compte-rendu de sciences, un point de vue littéraire, une fiche de mode d’emploi.
La langue française devait se travailler dans toutes les matières, à l’écrit comme à l’oral, en lecture comme en production d’écrits (ce terme a disparu des programmes pour être remplacé par « rédaction » qui ne cible qu’un genre particulier). Or cet objectif d’enseignement de la langue a disparu des programmes 2008. Au cycle 3, 13h étaient consacrées à la maîtrise de la langue et du langage (y compris dans toutes les disciplines), dont 2h d’activités quotidiennes de lecture et d’écriture. Les programmes du français dans ces « nouveaux programmes » sont de 8h par semaine et doivent inclure : maîtrise de la langue orale, lecture et compréhension, étude de textes, littérature, récitations, écriture, rédaction et étude de la langue (vocabulaire, grammaire,
orthographe). On peut imaginer aisément que la tâche des maîtres n’en sera pas facilitée puisque la seule injonction véritable réside en la maîtrise des règles, qui dans les programmes prend autant de place que l’apprentissage de la langue orale, la lecture et l’écriture réunies. Que l’on constate une moins bonne maîtrise de l’automatisation des règles du français écrit est réelle, qu’il faille réfléchir à l’équilibre entre écriture de textes et entraînement systématique sur les règles serait une bonne chose. Mais que l’on torde le bâton dans l’autre sens pour en revenir à la dominante d’exercices aura des effets catastrophiques. Cela risque d’inhiber encore plus les élèves et de couper l’élan dont ils essaient de faire preuve. L’enseignement de la langue se fera nécessairement selon le modèle transmissif et mettra en échec bon nombre d’élèves à qui ne seront donnés ni le temps, ni les moyens de s’approprier le fonctionnement d’une langue complexe comme le français.
b-Maintenir un véritable enseignement de la littérature de jeunesse, alors que les élèves sont de plus en plus sollicités par le monde de l’image.
C’est seulement depuis 2002 qu’a été crée un enseignement de la littérature de jeunesse, qui depuis une vingtaine d’années était devenue très présente dans les classes. On ne retrouve pas ces références dans les nouveaux programmes. Enseigner la littérature ne se retrouve qu’au cycle 3 et sous l’angle privilégié de la compréhension de lecture. Or enseigner la littérature c’est aussi entrer dans le monde des auteurs, c’est travailler le rapport texte/image notamment autour des albums, c’est travailler des réseaux de lecture selon des thèmes, des genres littéraires etc. Tout le monde comprend bien que tous les élèves ne sont pas égaux devant le « littéraire ». Certains enfants auront fréquenté les livres avec leurs parents, d’autres beaucoup moins ; certains auront l’occasion d’organiser leurs connaissances, d’autres beaucoup moins. Ce qui se joue, en la matière, c’est de ne pas aller vers moins d’égalité entre élèves. Chacun sait bien qu’il n’est pas toujours facile d’obtenir que les élèves lisent, de rivaliser avec le monde de l’image et des jeux. Si l’insistance faiblit à l’école pour dévoiler des écrits qui façonneront l’imaginaire, l’inégalité se renforcera.
4-UNE REDUCTION DES DOMAINES HISTORIQUE, SCIENTIFIQUE, GEOGRAPHIQUE
Le projet ministériel pour de nouveaux programmes prône un recentrage sur les apprentissages fondamentaux (le français et les maths) qui permettrait aux élèves de réussir « comme au bon vieux temps ». Nous avons déjà dit à quel point cette conception est illusoire et dangereuse car elle nie la complexité des savoirs et des processus d’apprentissage. L’histoire et la géographie font les frais de ce choix. De une heure trente par semaine actuellement pour l’Histoire et pour la géographie, et 2h30 d’activités scientifiques on passerait à quarante cinq minutes pour chacune de ces disciplines. Mais plus que la réduction horaire c’est la modification des contenus qui nous inquiète.
Outre un alourdissement sensible des savoirs à enseigner, le projet de programmes axe tout l’enseignement de l’histoire sur la mémorisation d’une liste de repères chronologiques (« grandes dates et personnages de l’histoire de France »), qui commence dès le CP. Or on sait qu’un tel empilement de dates ne permet pas aux élèves de se construire une représentation claire du temps historique. Il ne suffit pas d’apprendre des dates par coeur pour avoir une représentation juste de la chronologie historique. C’est justement pour cela, que les programmes de 2002 consacraient le cycle 2 (CP et CE1) à la structuration du temps.
L’Histoire en tant que telle ne commençant à être enseignée qu’au CE2.
L’enseignement de l’Histoire illustre bien la philosophie du projet ministériel pour ces nouveaux programmes. L’élève doit apprendre avant de comprendre. Au CP et au CE1, il doit apprendre une liste de nom et de dates, et tant pis si pour lui le successeur de Charles X est Charles de Gaule ! Au Cm2 il devra savoir que le mur de Berlin est tombé en 1989 même s’il ne sait pas pourquoi on avait construit un mur à Berlin !
Pour la géographie, nous revenons à une géographie descriptive. Les maîtres transmettent et les élèves mémorisent. On remarque que l’enseignement de la géographie est centré sur la France. Le monde et l’Europe ne sont vus que depuis la France, ils ne sont que des « cadres », des « contextes » : « La France dans le monde » et « se déplacer en France et en Europe » !
En sciences, apparaît, ce qui est concevable, une introduction au développement durable et à l’environnement mais présentée de manière éclatée, sous différents items, qui sera très difficile à comprendre par les élèves.
On explique, et c’est positif, qu’il faut pratiquer la démarche d’investigation scientifique inspirée de « la main à la pâte ». Or, comment veut-on faire l’expérimentation dans le petit nombre d’heures annuelles (moins d’une heure par semaine) qui va être fatalement réservé aux sciences ? L’Académie des sciences a interpellé le ministre pour que « les sciences expérimentales soient à nouveau mises en valeur », qu’elles se pratiquent au moins 2h en cycle 3 par semaine, que les liens étroits avec le français soient maintenus et que « l’acquisition des mécanismes en mathématiques soit toujours associée à une intelligence de leur signification ».
En fin de compte on constate, comme dans les autres disciplines, que ce projet de programmes est avant tout un formidable déni de toute la réflexion menée depuis au moins trente ans sur les modalités d’apprentissage et de mémorisation. C’était tellement mieux avant !
Jamais, tout au long du développement de l’école depuis Jules Ferry, des programmes qui vont le sens inverse de la marche du progrès n’ont été produits. Il s’agit d’une première.
Nous n’avons pas le droit de laisser faire si nous sommes attachés à l’école de l’égalité.
C’est pourquoi nous appelons les enseignants à ne pas mettre en oeuvre ces programmes et à le dire publiquement.
C’est pourquoi nous appelons les parents à soutenir les enseignants et à refuser que ces programmes servent de base à l’éducation de leurs enfants.
Le collectif parents-enseignants bolivar-lepage 19ème arrondissement de Paris
mardi 20 mai 2008
Compte rendu des réunions
Présentation des raisons pour lesquelles nous demandons le retrait des programmes 2008 suivie de questions des parents auxquelles nous avons répondu.
Présentation des actions qui ont été initées par le collectif :
- La pétition "Appel de bolivar"
- La rédaction d'un argumentaire reprenant les raisons de notre opposition. Dès qu'il sera terminé nous le mettrons en ligne et le distribuerons aux parents d'élèves du groupe scolaire. Nous souhaitons aussi le communiquer à tous représentants des parents d'élèves de l'arrondissement.
- La création d'une liste de diffusion.
- L'organisation d'une réunion d'arrondissement à la Mairie.
Discussion de futures actions communes :
- Organiser une grève des enfants : les parents n'enverront pas leurs enfants à l'école pour demander le retrait des programmes 2008. Plusieurs parents sont d'accord mais demandent à ce que la date soit prèvue longtemps à l'avance pour pouvoir s'organiser. D'autres proposent de garder un ou deux copains de leur enfant. L'organisation d'un rassemblement parents-enfants est suggéré.
- L'accrochage individuel de banderolles aux balcons, comme lors des coupes du monde, pour demander le retrait des programmes de 2008.
Prochaines réunions en vue de l'organisation de cette action :
A l'école maternelle du soleil : lundi 26 mai à 20h00
A l'école élémentaire Simon Bolivar : samedi 31 mai à 8h30